Bulletin n. 1/2012
June 2012
CONTENTS
  • Section A) The theory and practise of the federal states and multi-level systems of government
  • Section B) Global governance and international organizations
  • Section C) Regional integration processes
  • Section D) Federalism as a political idea
  • Rekacewicz Philippe
    Un Vieux Continent à géographie variable
    in Monde Diplomatique (Le) , mars ,  2012
    Difficile aujourd’hui de se repérer sur la mappemonde : déplacement des centres d’activité et de pouvoir vers de nouveaux territoires, alliances inédites, recompositions géopolitiques… Toutes nos grilles de lecture sont à revoir. C’est ce défi que « Le Monde diplomatique » relève en publiant, le 6 mars, la quatrième version de son atlas géopolitique. Cet ouvrage grand format de deux cents pages mêle des analyses rédigées par des spécialistes reconnus et une approche cartographique originale pour mettre en lumière cette mutation historique. Comprendre le monde, c’est aussi montrer les visions que les peuples ont d’eux-mêmes et de leur place sur la planète. L’Europe est un cas d’école : nul ne sait la définir, dire où elle commence et où elle finit. Les lycéens lillois qui, ce jour-là, pénètrent dans le bureau du cartographe attendent une réponse simple à une question simple : « Où donc finit l’Europe à l’est ? » A l’ouest, c’est clair, disent-ils, il y a de l’eau. Mais à l’est ? Des experts définissent des lignes de partage qui n’existent pas : l’Europe et son « identité chrétienne » (?), l’Europe continentale, l’Europe « blanche » (?), l’Europe culturelle (?), l’Europe géographique (?), l’Europe administrative (?), l’Europe et son « ventre mou », l’Europe et sa frontière naturelle… L’Europe ! l’Europe ! l’Europe ! « Ceux qui se disent européens trouvent que l’Europe des patries [?], ce n’est pas assez, et que l’Europe de l’Atlantique à l’Oural, c’est trop. Et vous, vous sentez-vous européen ? », demande le journaliste Michel Droit à Charles de Gaulle. Nous sommes en décembre 1965… « Alors, répond le président, prenons les choses comme elles sont ! Car on ne fait pas de politique autrement que sur des réalités : bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant : “L’Europe ! l’Europe ! l’Europe !”, mais ça n’aboutit à rien, et ça ne signifie rien ! Alors les choses, comment sont-elles ? » Le général de Gaulle était pourtant plus précis, au début des années 1950, lorsqu’il affirmait que l’Europe allait « de l’Atlantique à l’Oural », c’est-à-dire qu’elle intégrait au moins la Russie dite « blanche ». Cette définition mythique ne reposait sur rien de tangible ; elle était en fait le cadre dans lequel de Gaulle développait sa vision européenne — et la « belle et bonne alliance » avec Moscou contre l’Allemagne. Les limites de l’Europe sont multiples et variées : avec ou sans la Turquie, avec ou sans Israël, avec ou sans l’Arménie… Il y a ceux qui attendent juste derrière les portes de l’espace Schengen, comme la Roumanie et la Croatie ; ceux qui en rêvent la nuit, comme l’Albanie ou la Géorgie ; ceux qui, comme les Grecs, s’interrogent sur une Europe qui les a trahis. Puis il y a nos lointains voisins des « royaumes des steppes », en Asie centrale, membres à part entière d’institutions très européennes. De tous ceux-là, qui sont les plus européens ? Et si, simplement, l’Europe à l’est était sans fin ? Et si l’Europe venait juste se fondre dans l’Asie en une immense étreinte ?
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